LE BOULANGER suite
Cette pratique légale, était très surveillée par les services des fraudes et de fiscalité, et procurait un surcroît de travail administratif pour l’ensemble du personnel.
Chaque mairie délivrait une carte de pain qui désignait le boulanger chez qui la personne devait acheter son pain. Lorsqu’elle changeait de domicile une liaison était faite entre les mairies et le ministère du ravitaillement.
Client de la commune voisine
BON DE CIRCULATION
Acquis pour le transport des marchandises - 2 sacs de maïs soit 1 quintal
Tout transport de marchandises était obligatoirement accompagné d’un Bon de circulation qui devait être le même jour transmis au Siège du ravitaillement général.
PERIODE DU RATIONNEMENT ET DES TICKETS : De1940 à 1950:
Ayant déjà expérimenté un système de rationnement une vingtaine d'années plus tôt, après la guerre 14-18, il a été relativement facile pour les autorités de mettre en place un système s'inspirant de celui -ci. Un Ministère du ravitaillement fut créé. Le dimanche 10 mars 1940, un décret et un arrêté interministériel paraissent au journal Officiel, fixant la date du recensement et les conditions d'établissement des cartes de rationnement, impliquant que chaque personne doit remplir une déclaration le 3 avril au plus tard afin d'être classé dans une des catégories prévues pour l'alimentation et le charbon. Le 5 mars, un nouveau décret fixe les restrictions sur la viande. Le bœuf, veau et mouton sont interdits à la vente en boucherie trois jours consécutifs par semaine; la viande de charcuterie pendant deux jours et la viande de cheval, mulet et âne pendant une journée. Toujours en mars, des décrets imposent la fermeture des pâtisseries et l'interdiction de la vente d'alcool. Les premières cartes de rationnements sont distribuées dès octobre 1940 pour les produits de base: pain, viande, pâtes, sucre. Comme vous pourrez le constater avec les documents d'illustration, le rationnement s'est mis en place par le biais de cartes d'alimentation et de tickets. La population Française (à l'exception des militaires) était partagée à l'origine en sept catégories. A chacune correspondait une carte spécifique:
Arrêté du 20 octobre 1940, publié au J.O du 23 octobre, page 5395.
Catégorie E: Enfants des deux sexes âgés de moins de trois ans.
Catégorie J1: Enfants des deux sexes âgés de trois à 6 ans révolus.
Catégorie J2: Enfants des deux sexes âgés de 6 à 12 ans révolus.
Catégorie A: Consommateurs de 12 à 70 ans ne se livrant pas à des travaux de force.
Catégorie T: Consommateurs de 14 à 70 ans se livrant à des travaux pénibles nécessitant une grande dépense de force musculaire.
Un arrêté du 11 décembre 1940, publié au J.O. du 12 décembre, page 6103 fixe les travaux, professions, emplois et situations spéciales dont les consommateurs peuvent se prévaloir pour être classé en catégorie T.
Catégorie C: Consommateurs de 12 ans et sans limite d'âge se livrant personnellement aux travaux agricoles
Catégorie V: Consommateurs de plus de 70 ans dont les occupations ne peuvent autoriser un classement en catégorie C.
Selon les catégories ci-dessus, les rations journalières oscillaient entre 100 et 350 grammes 180 grammes 500 grammes
En ce qui concerne le pain, la ration journalière descendra à 275 grammes
FEUILLES DECLARATION ET RENTREE DES TICKETS
Le collecteur de tickets était envoyé chaque mois au :
SECRÉTARIAT D’ÉTAT AU RAVITAILLEMENT – Préfecture du Rhône
LA VENTE
Parallèlement à la vente faite au magasin, le boulanger devait assurer des tournées régulières dans tout le village. Les clients faisaient connaître à chaque livraison la quantité de pain et les autres produits
(Farine, son, et même le paquet de petits gâteaux) que mon père apporterait au prochain passage.
Je me souviens de la préparation de la tournée – Suivant la fatigue de mon père cette opération se faisait avant ou après la sieste, repos bien mérité. Il se tenait de l’autre côté de la banque, avec sa liste pour me faire passer le pain retenu que je pesais sur notre balance BERKEL .
Le prix du pain étant imposé au kilo nous devions peser chaque pain. Afin de faciliter la distribution une petite fiche en losange était glissée dans une fente du pain, faite avec un couteau, sur laquelle on lisait, le nom du client le poids et le prix du pain. Un client sur deux payait le jour même, c’est ainsi qu’il devait tenir un cahier de livraison afin d’établir la facture mensuelle.
Au retour de chaque tournée il fallait débarrasser la voiture, faire la caisse et saisir toute opération sur les registres. Mon père faisait de grandes journées. Le retour était vers 19 heures ou plus et avant de pouvoir s’offrir une petite nuit de sommeil il devait superviser la préparation du prochain pétrissage et tout ce qui se rapportait au commerce du café. Il avait le souci de l’achat et de la conservation du vin, la mise en pot pour la vente.
On avait l’habitude du crédit - C’est souvent l’homme en revenant des champs, ou les enfants à la sortie de l’école qui venaient chercher le pain quotidien. Ils n’avaient jamais d’argent et on notait tout sur un agenda. On ajoutait quelque fois le petit blanc, l’absinthe ou le petit marc, qui était pris rapidement, voire le paquet de cigarettes que l’on avait en dépôt. C’était un fait acquis et le dernier jour du mois il fallait préparer le total du par chacun, c’était l’occasion de voir l’épouse qui bien souvent tenait les comptes.
Il fallait également faire vérifier, balance et bascule par le Service des poids et mesures. Une pastille de plomb fixée sur l’appareil était poinçonnée à chaque passage.
Vu la loi du 4 juillet 1837 modifiée relative aux poids et mesures
Vu le décret du 30 novembre 1944 portant réglementation d'administration publique en ce qui concerne le contrôle des instruments de mesure
Depuis ce temps les moyens de fabrication archaïques ont bien changé – Les fours sont électriques. Les pates peuvent être préparées à l’avance et conservées en chambre froide, ce qui a permis aux hyper marchés de créer leur propre rayon de pain et pâtisserie et pouvoir servir une population plus dense.
Néanmoins l’artisan boulanger a du se former et obtenir ses propres lettres de noblesse. Il offre une marchandise de plus en plus diversifiée pour fidéliser sa clientèle. – le pain aux noix, aux lardons, aux céréales, de seigle, de son etc. et surtout il fabrique lui-même sa pate, il n’utilisera jamais une pate préfabriquée ce qui le différenciera des magasins de vente de la grande distribution. Le métier reste pénible
Petite anecdote, j’imagine la tête de mon père voyant qu’aujourd’hui les clients recherchent du pain au son, lui qui n ‘aspirait et s’évertuait qu’à faire du bon pain blanc….
Ce noble métier est récompensé de nos jours par le Trophée St-Honoré, le patron des boulangers. J’ai été très heureuse d’assister en ce 16 Mai 2006, à l’occasion de la fête du pain, à la remise de cette récompense à un de nos jeunes boulangers bellevillois, Michel PERRIN, reconnu par ses pairs.
LA SYMBOLIQUE DU
Chez les Hébreux, on ne devait pas consommer de pain avant d’avoir fait offrande de la première miche de la récolte.
Dans la civilisation juive d’aujourd’hui, le pain ne se coupe pas, il se rompt. C’est dans le culte catholique, que la symbolique du pain est la plus forte avec notamment la cène, dernier repas du Christ, contenant l’acte fondateur de l’Eglise dans le partage du pain. C’est aussi au cœur du “Notre Père”, que le pain quotidien est demandé. Enfin reste encore quelques coutumes : Comme : toujours poser le pain à l’endroit (au Moyen-âge, le pain à l’envers indiquait celui réservé au bourreau) ou encore dessiner une croix avec la pointe du couteau avant de le trancher. LES IMPREVUS ET ANECDOTES/ Compte tenu des installations précaires il arrivait que la froidure exceptionnelle de l’hiver nous privait d’eau. Je me souviens d’une année mémorable où il fallut dégeler les conduites au chalumeau ; le pain n’avait été livrable qu’à 18 heures. Sans oublier les pannes d’électricité à cause desquelles mon père était obligé de se remettre au pétrissage à la main. Il y avait aussi les grands moments de colère, le four pas assez chaud, ou trop chaud, le pain qui levait pas, ce n’était pas le moment de le chatouiller. Personne ne pourrait se douter du plaisir que j’ai eu, aux premières vacances que mon père avait pu se donner, en accord avec la Coopérative QUELQUES CITATIONS : - être bon comme le pain - long comme un jour sans pain - gagner son pain à la sueur de son front - manger son pain blanc le premier Le pain est au cœur de notre patrimoine et il a une grande place dans mes souvenirs de famille. Je terminerai par ce poème en hommage à mon père et à son dur métier. LE PAIN Toi qui mange ce pain d’une figure sereine Sais-tu ce qu’il a coûté de peine ? Demande au paysan, au meunier, au mitron Combien de fois ça n’a pas tourné rond Mais te voyant te régaler De tous leurs efforts ils sont récompensés Et toi, « Mitron » pour ta mauvaise humeur est pardonné.